Commentaire de bibliographies du service

Néphrotoxicité de l'association ß-lactamine + Vancomycine

Incidence of acute kidney injury among critically ill patients with brief empiric use of anti-pseudomonal beta-lactams with vancomycin.

Schreier DJ, Kashani KB, Sakhuja A, Mara KC, Tootooni MS, Personett HA, Nelson S, Rule AD, Steckelberg JM, Tande AJ, Barreto EF

Clinical infectious diseases : an official publication of the Infectious Diseases Society of America, 24 août 2018

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Dr Nicolas MAVAMBU (DESAR), Dr Samy FIGUEIREDO

Contexte : 

La survenue d’une insuffisance rénale aiguë (IRA) chez des patients hospitalisés en réanimation est associée à une augmentation du risque de mortalité d’environ 3,5 fois. Récemment, l’utilisation de pipéracilline/tazobactam (PTZ) + vancomycine (VAN) en traitement probabiliste a été associée à une augmentation du risque de développer une IRA d’environ 3 fois par rapport à la VAN utilisée seule ou associée à d’autres ß-lactamines (céfépime ou carbapénèmes). Cependant, la majorité de ces études incluaient des patients sous PTZ/VAN pendant au moins 48h et rapportaient un début d’IRA survenant après 3 à 5 jours de PTZ/VAN. Or, il est recommandé d’effectuer une désescalade de cette antibiothérapie (ATB) probabiliste à large spectre dès que possible, en pratique souvent avant la 48èmeheure. 

Objectifs de l’étude :

Déterminer si une ATB probabiliste par PTZ/VAN de courte durée (≥24h mais ≤72h) était prédictive d’IRA en comparaison à d’autres associations d’ATB à large spectre (céfépime (CEF) + VAN et méropénème (MER) + VAN) chez des patients admis en réanimation.

Méthodes : 

Cohorte rétrospective, monocentrique. Critères d’inclusion : tout patient ≥ 18 ans, admis dans un des services de réanimation de la Mayo Clinic de Rochester du 1/1/2006 au 31/12/2016 et ayant reçu une ATB probabiliste courte (≥24h mais≤72h) par VAN associée à PTZ, CEF ou MER. Critères d’exclusion :≥ 2 β-lactamines anti- P. aeruginosadans les 7 premiers jours, ATB avant l’admission en réanimation, survenue d’une IRA AKIN 2 ou 3 ≤ 24 h après le début de l’ATB. Le critère de jugement principal (CPJ) était la survenue d’une IRA AKIN 2 ou 3 après 24h d’ATB et jusqu’à 7 jours après l’arrêt d’un des 2 ATB. Les critères de jugement secondaires (CJS) comprenaient l’incidence d’une IRA quel que soit le stade ; une élévation persistante de la créatininémie > à 2 fois la créatininémie de base, la nécessité d’une épuration extra-rénale ou le décès à J60.

Résultats :

Sur les 5800 patients éligibles, 3299 patients ont été inclus (environ 70% de sepsis, 40% de patients sous vasopresseurs, 30% de culture microbiologique positive) avec une durée médiane d’initiation de l’ATB de 3h après l’admission en réanimation. L’incidence d’une IRA AKIN 2 ou 3 était de 8.8 % avec un délai d’apparition médian de 0.9 j (EI 0.4, 1.9) après l’initiation de l’ATB. En analyse univariée, PTZ/VAN n’était pas associée à une augmentation significative du risque de développer une IRA AKIN 2 ou 3 en comparaison avec CEF/VAN ou MER/VAN. Après ajustement sur les facteurs de risque de développer une IRA et en analyse multivariée, aucun type d’association ATB n’était associé au risque d’IRA. Aucune différence significative n’était montrée sur les CJS.

Discussion et conclusion :

Au sein de la population étudiée, une ATB courte par PTZ/VAN n’était pas associée à une augmentation du risque d’IRA ou de complications rénales majeures à J60 par rapport à CEF/VAN ou MER/VAN.Les forces de cette étude sont : pertinence clinique du problème, large cohorte de patients de réanimation, ajustement sur les facteurs confondants. Les limites sont : caractère rétrospectif sur 10 ans (perte d’informations, évolution des pratiques ?), sepsis inconstants et relativement peu sévères, peu ou pas d’informations sur les modalités d’administration des ATB, l’utilisation de la classification AKIN plutôt que celle de KDIGO. Le mécanisme de la néphrotoxicité supposée de PTZ/VAN reste inconnu (nécrose tubulaire ou inhibition de l’excrétion tubulaire de la créatinine par la pipéracilline ?). Cette étude souligne une nouvelle fois l’intérêt de la désescalade de l’ATB probabiliste à large spectre à 48-72h, pour prévenir tant sa toxicité réelle ou supposée que l’émergence de résistance bactérienne.

Abstract

Background: Nephrotoxins contribute to 20-40% of acute kidney injury (AKI) cases in the intensive care unit (ICU). The combination of piperacillin/tazobactam and vancomycin (PTZ/VAN) has been identified as nephrotoxic, but existing studies focus on extended durations of therapy rather than the brief empiric courses often used in the ICU.

Objective: Compare the risk of AKI with a short course of PTZ/VAN to other anti-pseudomonal beta-lactam/vancomycin combinations.

Methods: Retrospective cohort of 3299 ICU patients that received at least 24 hours, but no more than 72 hours of an antipseudomonal beta-lactam and vancomycin [(PTZ/VAN, cefepime (CEF/VAN), or meropenem (MER/VAN)]. The risk of developing stage 2 or 3 AKI was compared between antibiotic groups with multivariable logistic regression adjusted for relevant confounders. We also compared the risk of persistent kidney dysfunction, dialysis dependence, or death at 60-days between groups.

Results: The overall incidence of stage 2 or 3 AKI was 9%. Brief exposure to PTZ/VAN did not confer a greater risk of stage 2 or 3 AKI after adjustment for relavent confounders [PTZ/VAN vs. CEF/VAN: adjusted OR, 95% CI 1.11 (0.85, 1.45); PTZ/VAN vs. MER/VAN 1.04 (0.71, 1.42)]. No significant differences were noted between groups at 60-day follow up in the outcomes of persistent kidney dysfunction (P = 0.081), new dialysis dependence (P = 0.15), or death (P = 0.091).

Conclusion: Short courses of PTZ/VAN were not associated with a greater risk of short- or 60-day adverse renal outcomes compared to other empiric broad-spectrum combinations.

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