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Comparaison de 2 protocoles de contrôles glycémiques après AVC ischémique : impact sur le pronostic

Intensive vs Standard Treatment of Hyperglycemia and Functional Outcome in Patients With Acute Ischemic Stroke: The SHINE Randomized Clinical Trial.

Johnston KC, Bruno A, Pauls Q, Hall CE, Barrett KM, Barsan W, Fansler A, Van de Bruinhorst K, Janis S, Durkalski-Mauldin VL, Neurological Emergencies Treatment Trials Network and the SHINE Trial Investigators.

JAMA, 23 juillet 2019, volume 322, pages 326-335

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Julien Hagry (DESAR) et le Docteur Samy Figueiredo

Introduction  

Une hyperglycémie est présente chez environ 40% des patients présentant un accident vasculaire cérébral ischémique constitué aigu (AIC) et est associée à un devenir défavorable (augmentation de la taille de l'infarctus et transformations hémorragiques plus fréquentes). La seule étude ayant évalué l’impact du traitement de l’hyperglycémie en contexte d’AIC avait inclus 80% de patients non diabétiques, avait été arrêtée précocement pour défaut de recrutement et montrait une différence de glycémie de seulement 0.06 mmol/L entre les 2 groupes de patients. 

Le but de la présente étude SHINE (Stroke Hyperglycemia Insulin Network Effort) était d’évaluer l’efficacité, sur le pronostic fonctionnel des patients avec un AIC aigu, d’un contrôle glycémique « intensif » par insuline IVSE par rapport à un contrôle glycémique standard par insuline sous-cutanée. 

Matériels et méthodes 

Il s’agit d’une étude randomisée contrôlée, prospective, multicentrique (63 centres aux USA), en aveugle sur l’évaluation du devenir du patient. Les patients majeurs, présentant un AIC depuis moins de 12h avec un NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale) entre 3 à 22 (score entre 0 et 42 : plus le score est élevé, plus le déficit neurologique est important) et une hyperglycémie (>6.1 mmol/L si diabète de type 2 et ≥8.3 mmol/L si pas de diabète connu) étaient inclus. Les patients avec un diabète de type 1 ou un traitement insulinique au long cours, une dialyse chronique ou des difficultés attendues d’évaluation du devenir neurologique étaient exclus. Les patients étaient répartis par randomisation soit dans le groupe contrôle glycémique « intensif » (insuline IVSE pour glycémie (horaire puis /1h ou /2h) entre 4.4 et 7.2 mmol/L), soit dans le groupe contrôle glycémique « standard » (insuline sous-cutanée pour glycémie (horaire puis /3h) entre 4.4-9.9 mmol/L), pendant au moins 68 heures.

Le critère de jugement principal (CJP) était la proportion de patients avec une évolution neurologique favorable (défini comme un score de Rankin modifié (de 0 = aucun symptôme à 6 = décès) compris entre 0, 1 ou 2 selon le score NIHSS de base) à 90 jours de la randomisation.

En se basant sur une proportion d’évolution neurologique favorable de 25% dans le groupe « standard », un effectif de 1400 patients permettait de montrer une différence absolue de 7% sur le CJP avec une puissance de 80% (risque alpha bilatéral = 0.05), avec plusieurs analyses intermédiaires prévues.

Résultats 

Entre avril 2012 et août 2018, 1151 patients (âge moyen = 66 ans, femmes = 46%, diabète = 80%, thrombolyse IV = 63%, thrombolyse artérielle = 3%, thrombectomie mécanique = 13%, délai médian début des symptômes – randomisation = 7 heures et glycémie médiane = 10.4 mmol/L) ont été randomisés : 581 dans le groupe « intensif » et 570 dans le groupe « standard ». 

L’essai a été arrêté pour futilité :  il n’y avait pas de différence significative concernant le CJP : 20.5% dans le groupe « intensif » vs 21.6% dans le groupe « standard » (RR ajusté = 1 [IC95% = 0.9-1], P = 0.55). Les glycémies moyennes étaient significativement inférieures dans le groupe « intensif » (6.6 mmol/L [IC95% = 6.4-6.7 mmol/L]) par rapport au groupe « standard » (9.9 mmol/L [IC95% = 9.7-10.1 mmol/L]). Les hypoglycémies sévères (<2.22 mmol/L) et la nécessité d’arrêter le traitement insulinique étaient significativement plus fréquents dans le groupe « intensif » par rapport au groupe « standard ». La mortalité et les autres critères de devenir n’étaient pas significativement différents entre les 2 groupes.

Discussion

Dans cet essai multicentrique randomisé, un contrôle glycémique « intensif » appliqué à des patients avec un AIC en hyperglycémie ne permettait pas d’améliorer le devenir neurologique des patients par rapport à un contrôle « standard » de la glycémie. 

Les points forts de l’étude sont : un sujet pertinent et d’actualité ; une méthodologie robuste avec bonnes validités interne et externe (essai randomisé multicentrique) ; un protocole d’intervention rapidement introduit dans l’histoire clinique du patient (7 à 12 premières heures), administré pendant une durée suffisante (68 heures) pour espérer un effet sur le devenir et qui permettait de bien séparer les 2 groupes (différence significative (3.4 mmol/L) des glycémies moyennes entre les 2 groupes, rarement atteinte dans les essais précédents) ; un CJP classiquement utilisé.

La principale limite de l’étude réside probablement dans le fait que le groupe « standard » de contrôle glycémique bénéficie déjà d’une prise en charge très correcte : en effet, même si les glycémies sont significativement supérieures à celles du groupe « intensif », elles restent le plus souvent dans les valeurs recommandées (< 10 mmol/L). Les autres limites sont : des données non disponibles sur le taux de recanalisation, alors que 1/ c’est un facteur important du devenir neurologique et 2/ au milieu de la période d’étude (2012-2018), un changement majeur de prise en charge des patients a eu lieu avec l’émergence de la thrombectomie mécanique ; une hétérogénéité du nombre d’inclusion entre les centres (42% des patients sont inclus dans 6 centres sur 63) ; un rythme différent de surveillance glycémique entre les 2 groupes ; quelles différences entre les 2 groupes concernant les autres agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS : pression artérielle moyenne, hypoxémie, natrémie, capnie, etc…) ?

Conclusion

Il est intéressant de regarder à quelle fréquence et selon quelles modalités l’hyperglycémie des patients en AIC est prise en charge dans nos centres : il y a sans doute des efforts à faire pour que chaque patient bénéficie dans un premier temps de la qualité du contrôle glycémique du groupe « standard » de la présente étude.

Abstract

Importance: Hyperglycemia during acute ischemic stroke is common and is associated with worse outcomes. The efficacy of intensive treatment of hyperglycemia in this setting remains unknown.

Objectives: To determine the efficacy of intensive treatment of hyperglycemia during acute ischemic stroke.

Design, Setting, and Participants: The Stroke Hyperglycemia Insulin Network Effort (SHINE) randomized clinical trial included adult patients with hyperglycemia (glucose concentration of >110 mg/dL if had diabetes or ≥150 mg/dL if did not have diabetes) and acute ischemic stroke who were enrolled within 12 hours from stroke onset at 63 US sites between April 2012 and August 2018; follow-up ended in November 2018. The trial included 1151 patients who met eligibility criteria.

Interventions: Patients were randomized to receive continuous intravenous insulin using a computerized decision support tool (target blood glucose concentration of 80-130 mg/dL [4.4-7.2 mmol/L]; intensive treatment group: n = 581) or insulin on a sliding scale that was administered subcutaneously (target blood glucose concentration of 80-179 mg/dL [4.4-9.9 mmol/L]; standard treatment group: n = 570) for up to 72 hours.

Main Outcomes and Measures: The primary efficacy outcome was the proportion of patients with a favorable outcome based on the 90-day modified Rankin Scale score (a global stroke disability scale ranging from 0 [no symptoms or completely recovered] to 6 [death]) that was adjusted for baseline stroke severity.

Results: Among 1151 patients who were randomized (mean age, 66 years [SD, 13.1 years]; 529 [46%] women, 920 [80%] with diabetes), 1118 (97%) completed the trial. Enrollment was stopped for futility based on prespecified interim analysis criteria. During treatment, the mean blood glucose level was 118 mg/dL (6.6 mmol/L) in the intensive treatment group and 179 mg/dL (9.9 mmol/L) in the standard treatment group. A favorable outcome occurred in 119 of 581 patients (20.5%) in the intensive treatment group and in 123 of 570 patients (21.6%) in the standard treatment group (adjusted relative risk, 0.97 [95% CI, 0.87 to 1.08], P = .55; unadjusted risk difference, -0.83% [95% CI, -5.72% to 4.06%]). Treatment was stopped early for hypoglycemia or other adverse events in 65 of 581 patients (11.2%) in the intensive treatment group and in 18 of 570 patients (3.2%) in the standard treatment group. Severe hypoglycemia occurred only among patients in the intensive treatment group (15/581 [2.6%]; risk difference, 2.58% [95% CI, 1.29% to 3.87%]).

Conclusions and Relevance: Among patients with acute ischemic stroke and hyperglycemia, treatment with intensive vs standard glucose control for up to 72 hours did not result in a significant difference in favorable functional outcome at 90 days. These findings do not support using intensive glucose control in this setting.

Trial Registration: ClinicalTrials.gov Identifier: NCT01369069.

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