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Effets de la PEP guidée par la pression oesophagienne sur l’oxygénation et la mécanique respiratoire lors de coelioscopies gynécologiques

Effects of intra-operative positive end-expiratory pressure setting guided by oesophageal pressure measurement on oxygenation and respiratory mechanics during laparoscopic gynaecological surgery: A randomised controlled trial.

Piriyapatsom A, Phetkampang S

European journal of anaesthesiology, octobre 2020, volume 37, pages 1032-1039

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Adam Saidi (DESAR) et le Pr Dan Benhamou

Introduction

Le pneumopéritoine induit lors de la cœlioscopie peut avoir un impact délétère sur l’oxygénation et la mécanique respiratoire. Le rôle bénéfique de la PEP sur l’oxygénation et la compliance respiratoire lors de la chirurgie coelioscopique est établi. En revanche, une PEP trop importante pourrait causer une surdistension alvéolaire ou une hypotension artérielle. Il n’existe pas de recommandations permettant de guider le choix de PEP idéale lors de la chirurgie coelioscopique.

Cette étude se propose d’étudier l’impact d’une optimisation de la PEP selon la valeur de la pression œsophagienne sur l’oxygénation et la mécanique respiratoire, lors de chirurgie gynécologique coelioscopique. La pression œsophagienne est un reflet de la pression pleurale. Elle a déjà été utilisée pour la détermination du niveau optimum de PEP en réanimation mais n’est pas utilisée en routine car elle nécessite la mise en place d’un cathéter dans l’œsophage. La pression pleurale est intéressante à connaître car elle permet de calculer la pression transpulmonaire (Ptp), c'est à dire la pression qui s’exerce sur l’alvéole (Ptp = PEP- Ppl). Si la Ptp est négative, alors l’écrasement alvéolaire conduit à la formation d’une atélectasie. En revanche, si l’on parvient à maintenir cette Ptp positive en augmentant la PEP (la pression dans l’alvéole est supérieure à la pression externe que représente la pression pleurale), alors l’alvéole est ouvert et participe à l’oxygénation. La compliance est donc également améliorée.

Matériel et Méthodes

Essai randomisé contrôlé ayant inclus 44 patientes (22 patientes par bras) avec inclusion de patientes jeunes (moyenne 41 ans), ASA 1 -2, non obèses (IMC 23), d’âge >18 ans, opérées de chirurgie gynécologique sous coelioscopie avec une durée d’insufflation de 2 h 15 min. Le critère de jugement principal était l’oxygénation évaluée par une mesure de la PaO2 en peropératoire et en SSPI.

L’anesthésie générale incluait une curarisation par rocuronium et un entretien par desflurane. L’intervention était réalisée en Trendelenburg de 45°, avec pression d’insufflation à 12-15 cmH2O. Le volume courant était de 8 ml/kg, la  FiO2 de 40%.

Après mise en place de la sonde de pression œsophagienne chez toutes les patientes, celles-ci étaient randomisées soit dans le groupe PEP 5 cmH2O fixe et non modifiée soit dans le groupe avec PEP variable et guidée selon pression oesophagienne pour obtenir une Ptp en fin d’expiration positive (entre 0 et 5 cmH2O).

Résultats

La PEP moyenne utilisée était significativement plus importante dans le groupe interventionnel : 12,5 cmH2O versus 5 cmH2O dans le groupe contrôle. La Ptp moyenne était de 0,5 cmH2O.

La PaO2 a diminué de manière significative dans le groupe contrôle en per-opératoire (27 kPa et 24,4 kPa respectivement) contrairement au groupe interventionnel (28,1 et 27 kPa respectivement). Cependant, il n’existait pas de différence d’oxygénation statistiquement significative entre les 2 groupes que ce soit en per-opératoire (T1, T2) et en post-opératoire (T3).

La compliance diminuait de façon significative dans les 2 groupes, mais elle restait significativement plus importante dans le groupe interventionnel. Parallèlement, augmentation de la pression motrice (Pplateau – PEP) était plus importante de manière significative dans le groupe contrôle (15 vs 12 cmH20).

Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes en terme de PAM, FC, VES et IC.

La durée de séjour moyenne était de 3 jours dans les deux groupes.

Discussion

Il s’agit d’une étude randomisée bien menée sur le plan méthodologique. Le protocole de choix de la PEP s’appuie sur un rationnel physiopathologique étudié dans le SDRA mais non éprouvé. L’étude de Talmor et al. en 2008 suggérait en effet un intérêt de la pression oesophagienne dans le titration de la PEP. Cependant, les études ultérieures ne retrouvaient pas ce bénéfice suggéré initialement.

L’emploi d’une pression oesophagienne permettait d’obtenir une meilleure compliance  et quelques bénéfices gazométriques transitoires et mineurs. Le critère de jugement principal choisi était un critère d’oxygénation gazométrique en per et postopératoire immédiat et non pas la survenue d’un évènement clinique. La population de patientes ASA 1-2 et l’exclusion des patients ASA 3-4 et ceux présentant des comorbidités cardiovasculaires ou respiratoires limite la probabilité de mettre en évidence une différence.

Dans ce contexte, la durée de séjour de 3 jours n’offre également que peu de recul sur la survenue de complications post-opératoires, dont la survenue débute principalement après J3 comme le suggère l’étude de Futier et al. publiée en 2013. Enfin, on ne possède pas de comparaison des données concernant la diurèse et le saignement per-opératoire qui peuvent être impactés par congestion veineuse d’amont en cas d’utilisation de hauts niveaux de PEP.

Conclusion

L’utilisation de la pression oesophagienne pour guider le choix de la PEP en per-opératoire de chirurgie gynécologique n’a pas permis d’améliorer l’oxygénation mais permet de conserver une meilleure compliance du système respiratoire durant le temps d’insufflation. La réalisation d’une étude similaire dans une populaion à risque sera utile.

Abstract

BACKGROUND: The creation of pneumoperitoneum during laparoscopic surgery can lead to adverse effects on the respiratory system. Positive end-expiratory pressure (PEEP) plays an important role in mechanical ventilation during laparoscopic surgery.

OBJECTIVE: To evaluate whether PEEP setting guided by oesophageal pressure (Poeso) measurement would affect oxygenation and respiratory mechanics during laparoscopic gynaecological surgery.

DESIGN: A randomised controlled study.

SETTING: A single-centre trial from March 2018 to June 2018.

PATIENTS: Forty-four adult patients undergoing laparoscopic gynaecological surgery with anticipated duration of surgery more than 2 h.

INTERVENTION: PEEP set according to Poeso measurement (intervention group) versus PEEP constantly set at 5 cmH2O (control group).

MAIN OUTCOME MEASURES: Gas exchange and respiratory mechanics after induction and intubation (T0) and at 15 and 60 min after initiation of pneumoperitoneum (T1 and T2, respectively).

RESULTS: PEEP during pneumoperitoneum was significantly higher in the intervention group than in the control group (T1, 12.5 ± 1.9 vs. 5.0 ± 0.0 cmH2O and T2, 12.4 ± 1.9 vs. 5.0 ± 0.0 cmH2O, both P < 0.001). Partial pressures of oxygen decreased significantly from baseline during pneumoperitoneum in the control group but not in the intervention group. Nevertheless, the changes in partial pressures of oxygen did not differ between groups. Compliance of the respiratory system (CRS) significantly decreased and driving pressure significantly increased during pneumoperitoneum in both groups. However, the changes in CRS and driving pressure were significantly less in the intervention group. Transpulmonary pressure during expiration was maintained in the intervention group while it decreased significantly in the control group.

CONCLUSION: PEEP setting guided by Poeso measurement showed no beneficial effects in terms of oxygenation but respiratory mechanics were better during laparoscopic gynaecological surgery.

TRIAL REGISTRATION: ClinicalTrials.gov identifier: NCT03256396.

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