Étude anatomique sur sujet cadavérique du bloc des érecteurs du rachis cervical
Cervical erector spinae plane block: a cadaver study.
Elsharkawy H, Ince I, Hamadnalla H, Drake RL, Tsui BCH
Regional anesthesia and pain medicine, juin 2020, volume 45, pages 552-556
Commentaire
Par Marie Billeret (DESAR) et le Pr Dan Benhammou
Introduction
L’anesthésie loco-régionale occupe actuellement une place majeure dans la médecine périopératoire. Elle permet une diminution post opératoire de la consommation morphinique et une optimisation analgésique. Récemment, l’emploi du bloc des érecteurs du rachis réalisé au niveau cervical a été décrit avec succès dans des cas cliniques en chirurgie de l’épaule. L’hypothèse serait une diffusion de l’anesthésique local au plexus brachial. Dans un modèle cadavérique, l'objectif de cette étude est donc d'étudier cette hypothèse en examinant la propagation du colorant après une injection en C6 ou en C7.
Matériel et méthodes
L’étude porte sur 5 sujets adultes qui n’avaient pas de déformations rachidiennes ou d’antécédent de chirurgie de rachis cervical. Un bloc des érecteurs du rachis était réalisé en C6 et C7 pour chaque sujet formant 2 groupes comparables. L’injection est réalisée dans le plan sous échographie avec un volume de 20 ml (18 ml d’eau et 2 ml de colorant). Le sujet est en décubitus ventral lors de la réalisation du bloc. La propagation du colorant était notée en trois classes :« coloration profonde », « coloration faible » et « pas de coloration ».
Résultats
L’extension du colorant était retrouvée dans tout le compartiment postérieur et colorait l’ensemble des structures présentes dans le fascia prévertébral (cad tous les groups musculaires de la paroi postérieure et les 2 plexus brachiaux).
Les racines C5, C6, C7, C8 et T1 étaient colorées dans 100% des cas pour l’injection en C6 et en C7. Les rameaux dorsaux étaient colorés de manière bilatérale de C4 à T1. Il n’y avait pas de différence de de diffusion entre les groupes C6 et C7.
Les nerfs thoracique long, suprascapulaire et scapulaire dorsal étaient aussi colorés chez tous les sujets. Par ailleurs, on notait une coloration du nerf phrénique dans 30% des cas.
Discussion
Dans cette étude, l’hypothèse d’une diffusion antérieure vers le plexus brachial est confirmée. Le bloc des érecteurs du rachis cervical est réalisé en injectant dans un espace fermé par un fascia prévertébral permettant une bonne diffusion du produit. L’étude anatomique permet de comprendre précisément le mécanisme de diffusion, d’autant plus qu’il s’agit d’une zone où les plans musculaires sont mal identifiés.
Cependant cette étude révèle plusieurs limites. Concernant les limites techniques, il s’agit d’un échantillon portant sur des sujets cadavériques et non des tissus vivants. La coloration ne présage pas de l’effet clinique et l’évaluation de la coloration est subjective. Les auteurs soulignent que certaines structures n’ont pas été reconnues ou retrouvées. En effet, il s’agit d’une zone avec beaucoup de superpositions musculaires pouvant varier d’un niveau vertébral à l’autre. On peut aussi se poser la question d’une diffusion secondaire lors de la dissection. Le produit injecté peut présenter des caractéristiques de propagation/d’action différentes selon le type de produit, la pression à l’injection ou la viscosité.
En pratique clinique, la réalisation de ce bloc au niveau cervical présente des limites de faisabilité compte tenu du risque d’injection dans l’artère vertébrale et le bloc du nerf phrénique (ici dans un tiers des cas), de telle sorte que la fonction respiratoire ne serait pas totalement épargnée. L’intérêt par rapport au bloc interscalénique semble donc discutable bien que ce dernier bloc donne une atteinte plus constante du phrénique.
Conclusion
Cette étude montre que l’injection cervicale au niveau C6 ou C7 entraîne une coloration du plexus brachial. Cependant cette technique semble manquer de sécurité compte tenu de la proximité de l’artère vertébrale et du nerf phrénique. Encore actuellement, la plupart des auteurs réalisent une injection en (T1/T2 ou T2/T3) afin d’éviter l’artère vertébrale, en pré-supposant que la diffusion céphalo-caudale obtenue généralement avec ce bloc sera suffisante pour permettre une analgésie cervicale.
Abstract
BACKGROUND: Cervical erector spinae plane (ESP) block has been described to anesthetize the brachial plexus (BP), however, the mechanism of its clinical effect remains unknown. As the prevertebral fascia encloses the phrenic nerves, BP and erector spinae muscles to form a prevertebral compartment, a local anesthetic injected in the cervical ESP could potentially spread throughout the prevertebral compartment. This study utilizes cadaveric models to evaluate the spread of ESP injections at the C6 and C7 levels to determine whether the injection can reach the BP and its surrounding structures.
METHODS: For each of the five cadavers, an ESP injection posterior to the transverse process of C6 was performed on one side, and an ESP injection posterior to the transverse process of C7 was performed on the contralateral side. Injections were performed under ultrasound guidance and consisted of a 20 mL mixture of 18 mL water and 2 mL India ink. After cadaver dissection, craniocaudal and medial-lateral extent of the dye spread in relation to musculoskeletal anatomy as well as direct staining relevant nerves was recorded. The degree of dye staining was categorized as "deep," "faint," or "no."
RESULTS: The phrenic nerve was deeply stained in 1 injection and faintly stained in 2 injections. Caudally, variable staining of C8 (100%) and T1 (50%) roots were seen. Faintly staining at C4 root was only seen in one sample (10%). There was variable staining of the anterior scalene muscles (40%) anterior to the BP and the rhomboid intercostal plane caudally (30%).
CONCLUSIONS: Ultrasound-guided cervical (C6 and C7) ESP injections consistently stain the roots of the BP and dorsal rami. This study supports the notion that the cervical ESP block has the potential to provide analgesia for patients undergoing shoulder and cervical spine surgeries.