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Mesure de biomarqueurs [TIMP-2] et [IGFBP7] et relation avec l'insuffisance rénale aigüe et le risque de décès chez les patients en choc septique

Serial Measurement of Cell-cycle Arrest Biomarkers [TIMP-2]•[IGFBP7] and Risk for Progression to Death, Dialysis or Severe Acute Kidney Injury in Patients with Septic Shock.

Fiorentino M, Xu Z, Smith A, Singbartl K, Palevsky PM, Chawla LS, Huang DT, Yealy DM, Angus DC, Kellum JA, ProCESS and ProGReSS-AKI Investigators.

American journal of respiratory and critical care medicine, 25 juin 2020

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Anne Marçais (DESAR) et Anatole Harrois (MCU-PH)

Introduction

L’insuffisance rénale aigue (IRA) est une complication fréquente chez les patients admis pour choc septique en réanimation avec une incidence rapportée d’environ 70 %. 30% évoluent vers une IRA stade 3 de la classification KDIGO, la dialyse ou le décès. 

Deux biomarqueurs urinaires, le [TIMP2] et le [IGFBP7], ont été proposés pour prédire l’évolution vers une IRA stade 2 ou 3 dans les 12h chez les patients admis en réanimation.

L’objectif de cette étude de cohorte est d’utiliser la variation de la concentration urinaire de ces biomarqueurs au cours de la phase initiale de la réanimation de patients en choc septique comme critère prédictif de la survenue d’une IRA KDIGO 3, de la dialyse ou du décès au cours des 7 premiers jours après l’admission.

Matériels et méthodes

Une cohorte de patients en choc septique issue de l’essai ProCESS (essai multicentrique ayant comparé 3 stratégies de réanimation chez des patients en choc septique) a été constituée. Dans l’essai initial avaient été inclus : les patients de plus de 18 ans, admis aux urgences pour suspicion de sepsis, avec au moins 2 des critères de syndrome de réponse inflammatoire systémique, une hypotension réfractaire ou des lactates ≥4mmol/L. La mesure urinaire de [TIMP2].[IGFBP7] était réalisée à H0 (= à l’inclusion) puis à H6 (après la phase initiale de réanimation). Le seuil de 0.3 (ng/ml)²/1000 était utilisé pour définir un marqueur positif. A partir des résultats obtenus à H0 et H6, 4 sous-groupes de patients sont déterminés dans la cohorte : +/+ patients qui restent positifs pour le biomarqueur, +/- patients qui négativent le marqueur, -/- à patients qui restent négatifs, -/+ à patients qui positivent le marqueur. Le critère principal est l’évolution vers l’IRA stade 3 selon KDIGO, la dialyse ou le décès dans les 7 jours.


Résultats

688 patients ont été inclus dans l’analyse finale. 113 patients (16,4%) ont atteint le critère principal. L’incidence de survenue de l’IRA stade 3 ou de la dialyse ou du décès à 7 jours est significativement différente entre les patients +/+ et les patients +/- (23.8% vs 9.8% respectivement) et ce, même après ajustement: OR ajusté = 2.15, IC95% 1.17-3.95, p=0.016. Pour les patients -/- vs -/+ l’incidence de survenue du critère (8.5% vs 21.8% respectivement) n’est pas significative après ajustement : OR ajusté = 2.15, 95%CI 0.88-5.25. Un marqueur [TIMP2].[IGFBP7] positif après 6 heures de réanimation est associé à un risque accru de survenue du critère composite chez les patients avec une IRA déjà présente (OR ajusté 2,09, IC95% 1,06-4,10) mais pas chez les patients sans IRA (OR 1,59, IC95% 0,78-3,22).

Le marqueur [TIMP2].[IGFBP7] mesuré après 6 heures de réanimation apporte de l’information complémentaire à la créatinine (AUC 0.71, 95%CI 0.65-0.76 versus 0.67, 95%CI 0.61-0.72, p=0,02) et au score APACHE II (AUC 0.72, 95%CI 0.66-0.77 versus 0.68, 95%CI 0.62-0.73, p=0,03) pour prédire la survenue du critère principal. 


Discussion/Conclusion

Cette étude apporte des informations complémentaires sur l’évolution de la sécrétion des biomarqueurs urinaires [TIMP2].[IGFBP7] au cours du temps chez des patients en choc septique. La variation de [TIMP2].[IGFBP7] en réponse à l’optimisation de la volémie et de l’hémodynamique à la phase initiale de la réanimation est donc associée à une modification significative du risque de progression vers l’IRA sévère, la dialyse ou le décès. Les patients qui résolvent leur stress rénal en devenant négatifs pour les biomarqueurs après 6 heures de réanimation ont moins de risque d’évoluer défavorablement et ce, même si l’IRA persiste selon les critères KDIGO. A l’inverse, les patients avec un stress rénal persistant au-delà des 6 premières heures (donc avec biomarqueur positif à H6) ont un risque accru de dialyse, d’IRA sévère ou de décès dans les 7 jours.

Ainsi, l’évolution des marqueurs permet de distinguer une population de patients à risque. Ceci pourrait être intéressant pour cibler une telle population dans des essais thérapeutiques car en pratique clinique, il n’existe pas de traitement spécifique de l’IRA à adjoindre à l’optimisation hémodynamique en réanimation. De plus, certains facteurs de confusion potentiels tels que l’usage de produits néphrotoxiques (médicaments, produit de contraste iodé) n’ont pas été pris en compte et une cohorte de validation serait aussi nécessaire pour confirmer ces premiers résultats.

Abstract

RATIONALE: Urinary tissue inhibitor of metalloproteinases-2 (TIMP-2) and insulin-like growth factor-binding protein 7 (IGFBP7) can predict AKI in patients with sepsis.

OBJECTIVES: Since most sepsis patients present with AKI, critical questions are whether biomarkers can inform on the response to treatment and whether they might be used to guide therapy.

METHODS: We measured [TIMP-2]•[IGFBP7] before and after a 6-hour resuscitation in 688 patients with septic shock enrolled in the ProCESS trial. Our primary endpoint was stage 3 AKI, renal replacement therapy or death within 7 days.

MEASUREMENTS AND MAIN RESULTS: The endpoint was reached in 113 patients (16.4%). In patients with negative [TIMP-2]•[IGFBP7] at baseline, those who became positive (>0.3 units) after resuscitation had 3-times higher risk compared to those who remained negative (21.8% vs 8.5%, p=0.01; OR 3.0, 95%CI 1.31-6.87). Conversely, compared to patients with a positive biomarker at baseline that were still positive at hour 6, risk was reduced for patients who became negative (23.8% vs 9.8%, p=0.01; OR 2.15, 95%CI 1.17-3.95). A positive [TIMP-2]•[IGFBP7] following resuscitation was associated with worse outcomes in both patients with and without AKI at that time point. Clinical response to resuscitation, as judged by APACHE II score, was weakly predictive of the endpoint (AUC 0.68, 95%CI 0.62-0.73) and improved with addition of [TIMP-2]•[IGFBP7] (0.72, 95%CI 0.66-0.77 p=0.03). Different resuscitation protocols did not alter biomarker trajectories, nor outcomes in biomarker positive or negative patients. However, biomarker trajectories were associated with outcome.

CONCLUSIONS: Changes in urinary [TIMP-2]•[IGFBP7] following initial fluid resuscitation identify sepsis patients with differing risk for progression of AKI. Clinical trial registration available at www.clinicaltrials.gov, ID: NCT00510835.

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