Cas clinique

Anévrysme mycotique intra-cérébral

11 septembre 2017

Histoire : prise en charge d’un patient de 73 ans ans ayant comme principal antécédent une allergie à la pénicilline. Son histoire médicale commence avec une lombalgie fébrile. Le traitement est symptomatique et 2 semaines plus tard le patient consulte aux urgences pour une chute dans les escaliers. La température est à 39°2 C, l’examen clinique est normal en dehors de lombalgies sans irradiations et il existe une polynucléose sur la numération.

Le scanner thoraco-abdomino-pelvien met en évidence des hypodensités spléniques et un aspect de spondylodiscite au niveau du disque L3-L4. Le diagnostic d’endocardite est rapidement posé devant l’association de ces signes avec un aspect de végétation sur la valve aortique et des hémocultures positives à Streptococcus gordonii. Le traitement va combiner une antibiothérapie (vancomycine + gentamycine), un remplacement valvulaire aortique par une bioprothèse et la mise en place d’un corset pour les lésions rachidiennes.

A J15 de la chirurgie cardiaque, le patient fait une crise comitiale généralisée. Le scanner cérébral sans injection met en évidence une hypodensité pariéto-occipitale droite (image 1) se réhaussant en périphérie après injection de produit de contraste (images 2). Le temps vasculaire est trop précoce pour bien visualiser la vascularisation pariétale (image 3). Le diagnostic évoqué est un abcès cérébral secondaire à un embol septique et le patient est adressé en neurochirurgie

Image 1 : hypodensité pariéto-occipitale droite

Image 2 : rehaussement en périphérie après injection de produit de contraste

Image 3 : angioscanner cérébral

L’examen clinique retrouve un patient apyrétique, confus avec une jargonophasie, et une hémiparésie gauche. Il est pris en charge au bloc opératoire pour une ponction sous anesthésie générale de la lésion. La ponction ne permet pas de ramener de pus, la craniectomie est élargie avec constatation d’une masse solide difficile à ponctionner. La lésion est finalement biopsiée, avec des prélèvements pour analyse bactériologique (examen direct et culture négatifs) et pour anatomopathologie.

Il est décidé de réaliser un nouveau scanner qui montre la persistance de l’hypodensité pariétale droite (image 4), et au temps artériel la mise en évidence d’un aspect de dilatation anévrysmale sur une branche pariétale de l’artère cérébrale moyenne droite (images 5) au contact de l’hématome intra-cérébral (image 6).

Image 4 : aspect post-opératoire      Image 5 : dilatation anévrysmale

Image 6 : rapport entre la dilatation anévrysmale et l’hématome intra-cérébral

Le diagnostic initial d’abcès cérébral est donc rectifié pour celui d’un hématome intra-cérébral secondaire à la rupture d’un anévrysme mycotique. 

L’artériographie cérébrale confirme ce diagnostic (images 7 et 8)

Images 7 et 8 : carotide interne droite de face et de profil mettant en évidence l’anévrysme mycotique

Le geste de neuro-radiologie interventionelle permet d’exclure l’anévrysme après embolisation à la colle de l’artère porteuse (images 9 et 10). Les suites seront simples.

Image 9 : trajet du micro-cathéter jusqu’à l’anévrysme mycotique

Image 10 : aspect post-embolisation

Commentaire : Les complications cérébrales apparaissent traditionellement chez 15 à 20% des patients atteints d’une endocardite infectieuse (EI), mais une incidence plus élevée a été rapportée. En effet une cohorte de 198 patients porteurs d’une EI a fait l’objet d’un recueil prospectif multicentrique : 108 (55% des patients) ont présenté une complication neurologique dont la majorité (2/3) était présente à l’admission. La répartition se faisait entre AVC ischémique 40%, AVC hémorragique 27%, méningite 21%, abcès cérébral 7% et anévrysme mycotique 5% (certains patients pouvaient avoir plusieurs atteintes) [1]. Une revue plus ancienne [2] rapporte des chiffres un peu différents en terme de complications infectieuses cérébrales des EI : autour de 10% pour les anévrysmes mycotiques et 3-5% pour les abcès cérébraux. La physiopathologie de ces 2 complications se ressemble : une végétation envoie un embol septique dans la circulation cérébrale. Cet embol va se fixer sur l’endothélium vasculaire (vaisseaux cérébraux, vasa vasorum), franchir la barrière hémato-encéphalique et soit créer une lésion de la paroi vasculaire aboutissant à l’anévrysme mycotique, soit franchir l’adventice et aboutir à une lésion suppurée intra-cérébrale (ie un abcès) [3]. Les anévrysmes mycotiques ont une localisation plutôt distale, sont situés au niveau des bifurcations artérielles et ont un aspect fusiforme. Les germes impliqués sont principalement les streptocoques du groupe viridans et Staphylococcus aureus. L’anévrysme mycotique non rompu est habituellement asymptomatique et le diagnostic est le plus souvent fait après une rupture anévrysmale et un tableau d’hémorragie intra-cérébrale [2]. Il faut noter que les progrès de l’imagerie (angioIRM ou angioTDM) permettent de détecter plus fréquemment des anévrysmes mycotiques non rompus.

Le diagnostic de complications neurologiques secondaire à une EI devrait être évoqué devant tout histoire d'AVC "inexpliquée", a fortiori s'il existe un syndrome inflammatoire, et conduire à la réalisation d'hémocultures et d'une échographie cardiaque [4]

[1] Sonneville R, Mirabel M, Hajage D, Tubach F, Vignon P, Perez P, Lavoué S, Kouatchet A, Pajot O, Mekontso Dessap A, Tonnelier JM, Bollaert PE, Frat JP, Navellou JC, Hyvernat H, Hssain AA, Tabah A, Trouillet JL, Wolff M; ENDOcardite en REAnimation Study Group. Neurologic complications and outcomes of infective endocarditis in critically ill patients: the ENDOcardite en REAnimation prospective multicenter study. Crit Care Med. 2011 Jun;39(6):1474-81

[2] Sonnerville R, Klein I, Bouadma L, Mourvillier B, Regnier B, Wolff M. Complications neurologiques des endocardites infectieuses. Reanimation 2009 (18):547-555

[3] Hoen B, Duval X. Clinical practice. Infective endocarditis. N Engl J Med. 2013 Apr 11;368(15):1425-33.

[4] León LR, Mills JL. Diagnosis and management of mycotic aneurysms. Curr Infect Dis Rep. 2009 Jul;11(4):274-80.