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Etude PAMPer : Faut-il administrer des unités de plasma en pré-hospitalier de patients à risque de choc hémorragique ?

Prehospital Plasma during Air Medical Transport in Trauma Patients at Risk for Hemorrhagic Shock.

Sperry JL, Guyette FX, Brown JB, Yazer MH, Triulzi DJ, Early-Young BJ, Adams PW, Daley BJ, Miller RS, Harbrecht BG, Claridge JA, Phelan HA, Witham WR, Putnam AT, Duane TM, Alarcon LH, Callaway CW, Zuckerbraun BS, Neal MD, Rosengart MR, Forsythe RM et al.

The New England journal of medicine, 26 juillet 2018, volume 379, pages 315-326

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Dr Zina BOUZIT (interne DESAR S8) et le Pr Jacques DURANTEAU (DAR Bicêtre)

Contexte : 

La prévention de la coagulopathie chez le patient traumatisé sévère en choc hémorragique est un challenge s’inscrivant dans le cadre du « damage control », où la transfusion est souhaitée la plus précoce possible. Cette stratégie a largement démontré son efficacité en intra hospitalier et son application en pré hospitalier pourrait être d’autant plus intéressante lorsque l’on sait que la précocité de la prise en charge est déterminante. Ainsi, l’administration pré hospitalière de produits sanguins pourrait permettre de réduire les complications hémorragiques, mais aucune étude n’a encore rapporté ce bénéfice. L’étude PAMPer (Pre hospital Air Medical Plasma) a été menée pour étudier l’efficacité et la sécurité de l’administration pré hospitalière de plasma chez le patient traumatisé grave à risque de choc hémorragique. L’hypothèse était une diminution de la mortalité à 30 jours lorsque le plasma était administré en pré hospitalier.

Méthodes 

Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé de phase 3, américain, multicentrique (27 bases de transport médicalisé héliporté, et 9 trauma centers), avec analyse en intention de traiter, dans lequel les patients étaient randomisés en deux groupes : groupe Contrôle(« réanimation standard »basée sur l’administration première de cristalloïdes +/- transfusion de 2 culots globulaires (CGR) selon la disponibilité) et groupe Plasma(administration première de 2 plasma universel AB ou A avec un faible taux d’anti D, avant « réanimation standard »). Pour des raisons logistiques, les bases de transport aérien médicalisé étaient randomisées pour délivrer le traitement Contrôle ou Plasma. Le groupe d’inclusion des patients était donc déterminé par la base effectuant le transport. Les patients inclus présentaient une défaillance hémodynamique associant une hypotension artérielle avec Pression Artérielle Systolique (PAS) < 90 mmHget fréquence cardiaque > 108 bpm, ou une hypotension artérielle avec PAS < 70 mmHg.  Les patients pouvaient être inclus dans l’étude depuis les lieux de l’accident (transport primaire) ou depuis une structure hospitalière pour un transport secondaire vers un centre spécialisé (trauma center). Le critère de jugement principal était la mortalité à J30. Les critères de jugement secondaires comprenaient la mortalité à 24 heures, la mortalité intra hospitalière, le taux de transfusion, le volume de remplissage, l’existence de défaillances (défaillance multiviscérale, défaillance respiratoire, coagulopathie), et la survenue d’infection nosocomiale. L’étude était modélisée pour montrer une réduction de mortalité de 14 % dans le groupe Plasma, avec une puissance de 88%. Le seuil de significativité des résultats était abaissé pour permettre deux analyses intermédiaires (différence significative si p < 0.038).

Résultats :

L’étude a été menée de Mai 2014 à Octobre 2017. 523 patients ont été inclus dans l’étude et 501 ont été analysés : 230 dans le groupe Plasma et 271 dans le groupe Contrôle. Le taux de transports secondaires était similaire entre les deux groupes (21.8% dans le groupe Contrôle et 22.6% dans le groupe Plasma). Les durées de transport étaient également équivalentes entre les deux groupes (40 minutes dans le groupe Contrôle et 42 minutes dans le groupe Plasma). Les patients du groupe Contrôle recevaient significativement plus de remplissage par cristalloïdes (médiane à 900mL versus 500mL, p=0.01) et étaient significativement plus transfusés avec des CGR en pré hospitalier (42.1% versus 26.1%, p<0,01) comparativement au groupe Plasma. Le ratio TCA médian à l’arrivée au trauma center était significativement plus court dans le groupe Plasma que dans le groupe Contrôle (1.2 IQ [1.1 ;1.4] versus 1.3 IQ [1.1 ;1.6], p<0.001). La mortalité à J30 était significativement inférieure dans le groupe Plasma (23.2%) comparativement au groupe Contrôle (33%) (réduction du risque de – 9.8%, IC95% [-18.6;-1], p=0.03). L’analyse des courbes de Kaplan-Meier montre une séparation dès H3 des deux courbes (p=0.02) qui se maintient jusqu’à J30. L’analyse en sous-groupes chez les patients ayant reçu plus de 3 CGR, ne montre pas de différence de mortalité selon que les patients aient reçu ou non du plasma en pré hospitalier. Il semblerait par contre que l’administration pré hospitalière de plasma réduise la mortalité dans le sous-groupe traumatisé crânien (OR 0.42 IC95% [0.23 ; 0.77]. Dans le même sens, l’analyse des causes de décès montre une proportion plus importante de décès par choc hémorragique (32% versus 29%) et un taux de décès imputable au traumatisme crânien moins important (26% versus 31%) dans le groupe Plasma. Concernant les critères de jugement secondaires, il n’existe aucune différence significative entre les deux groupes. Il n’existe pas de différence significative concernant la survenue d’évènements indésirables liés à la transfusion.

Conclusion et Discussion 

Les résultats de l’étude PAMPer suggèrent que l’administration pré hospitalière de plasma pourrait réduire la mortalité à 30 jours. Cette observation est en contradiction avec les résultats de l’étude COMBAT (Lancet, 2018), où l’administration pré hospitalière de plasma ne permettait pas de réduire la mortalité. Cependant, la durée de transport des patients vers le centre spécialisé était deux fois plus courte dans l’étude COMBAT. Plusieurs biais nous amènent à interpréter ces résultats avec précaution. En effet, la randomisation inégale liée à la randomisation par base constitue une première limite de l’étude. L’hétérogénéité des pratiques lié au caractère multicentrique avec notamment une dotation en CGR inégale en pré hospitalier, ainsi que l’inclusion des transports secondaires avec une réanimation non protocolisée débutée au sein de la structure hospitalière de départ, constituent également des biais non négligeables. Par ailleurs, l’analyse en sous-groupes suggère que l’administration pré hospitalière de plasma ne permettrait pas de diminuer la proportion de décès par choc hémorragique, mais pourrait par contre avoir un rôle protecteur chez le traumatisé crânien. Les résultats de l’étude PAMPer sont encourageants, mais la durée de conservation du plasma frais rend difficile sa gestion en pratique clinique. L’administration de plasma lyophilisé en pré hospitalier pourrait être une alternative séduisante. L’étude PREHO-PLYO (Pre-hospital Administration of Lyophilized Plasma for Post-traumatic Coagulopathy Treatment) pourra probablement nous apporter des éléments de réponse.

Abstract

BACKGROUND: After a person has been injured, prehospital administration of plasma in addition to the initiation of standard resuscitation procedures in the prehospital environment may reduce the risk of downstream complications from hemorrhage and shock. Data from large clinical trials are lacking to show either the efficacy or the risks associated with plasma transfusion in the prehospital setting.

METHODS: To determine the efficacy and safety of prehospital administration of thawed plasma in injured patients who are at risk for hemorrhagic shock, we conducted a pragmatic, multicenter, cluster-randomized, phase 3 superiority trial that compared the administration of thawed plasma with standard-care resuscitation during air medical transport. The primary outcome was mortality at 30 days.

RESULTS: A total of 501 patients were evaluated: 230 patients received plasma (plasma group) and 271 received standard-care resuscitation (standard-care group). Mortality at 30 days was significantly lower in the plasma group than in the standard-care group (23.2% vs. 33.0%; difference, -9.8 percentage points; 95% confidence interval, -18.6 to -1.0%; P=0.03). A similar treatment effect was observed across nine prespecified subgroups (heterogeneity chi-square test, 12.21; P=0.79). Kaplan-Meier curves showed an early separation of the two treatment groups that began 3 hours after randomization and persisted until 30 days after randomization (log-rank chi-square test, 5.70; P=0.02). The median prothrombin-time ratio was lower in the plasma group than in the standard-care group (1.2 [interquartile range, 1.1 to 1.4] vs. 1.3 [interquartile range, 1.1 to 1.6], P<0.001) after the patients' arrival at the trauma center. No significant differences between the two groups were noted with respect to multiorgan failure, acute lung injury-acute respiratory distress syndrome, nosocomial infections, or allergic or transfusion-related reactions.

CONCLUSIONS: In injured patients at risk for hemorrhagic shock, the prehospital administration of thawed plasma was safe and resulted in lower 30-day mortality and a lower median prothrombin-time ratio than standard-care resuscitation. (Funded by the U.S. Army Medical Research and Materiel Command; PAMPer ClinicalTrials.gov number, NCT01818427 .).

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