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Rôle du collier cervical sur la PIC après traumatisme crânien : une méta-analyse

Impact of Cervical Collars on Intracranial Pressure Values in Traumatic Brain Injury: A Systematic Review and Meta-Analysis of Prospective Studies.

Núñez-Patiño RA, Rubiano AM, Godoy DA

Neurocritical care, mars 2020, volume 32, pages 469-477

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par V. Doat (DESAR) et le Dr A. Rodrigues (PH)

Introduction :

Parmi les patients polytraumatisés, 2 à 4% présentent un traumatisme médullaire associé. Ce traumatisme médullaire est dans plus de la moitié des cas localisé au niveau cervical. Enfin la mortalité globale du patient polytraumatisé est proche de 10% quand celle du patient traumatisé médullaire est de 17%. Ainsi le traumatisme cervical est associé à une plus grande proportion de lésion médullaire et celles ci sont de pronostic plus sombre. De fait, la mise en place de mesures d’immobilisation rachidienne, à savoir, le plan dur et le collier cervical rigide d’immobilisation, sont devenues des pratiques ubiquitaires, tout en sachant qu’ils sont associés à des effets indésirables bien décrits à présent, notamment la compression jugulaire responsable d’une augmentation de la pression intra crânienne (PIC) pour le collier cervical.

Matériel & Méthodes :

Cette méta analyse repose sur l’analyse de 3 bases de données (COCHRANE, EMBASE, MEDLINE) selon le principe PRISMA. Les articles analysés étaient uniquement anglophones sur une période s’étalant de 1990 à 2018. Le critère de jugement principal étudié était l’augmentation de la PIC après l’application d’un collier cervical d’immobilisation chez des patients traumatisés crâniens modérés à sévères. Étaient également analysés les variations de PIC entre l’application du collier et son retrait. La PIC avant mise en place du collier et après retrait de celui-ci étaient également comparées. Les critères d’inclusions regroupaient des études prospectives, chez des patients adultes, souffrant d’un traumatisme crânien modéré à sévère, chez qui un collier cervical d’immobilisation a été mis en place lors de la prise en charge initiale et qui ont bénéficiés d’un monitorage invasif de la PIC. Les résultats sont exprimés sous la forme de moyennes pondérées selon la précision des mesures de PIC.


Résultats : 

Parmi les 45 études screenées par les auteurs, 5 ont été retenues (1993 à 2002), regroupant au total 86 patients. Dans 3 études, était utilisé un dispositif Stifneck, dans 1, un dispositif semi rigide, dans la dernière des dispositifs semi rigides et rigides. Il y a globalement une augmentation statiquement significative de la PIC d’en moyenne 4,4 mmHg (95%CI 1.70, 7.17; < 0.01) après la mise en place du collier. Il y a également globalement une baisse significative de la PIC après le retrait du collier, d’environ 3 mmHg (95%CI −5.45, −0.52; P=0.02). Enfin, il n’existe pas de différence significative entre la PIC avant la mise en place du collier et après le retrait de celui ci (95%CI − 1.61, 2.59; = 0.65).
Si l’on analyse en sous groupe le type de dispositif, il n’y a que le sous groupe Stifneck qui est associé de manière significative à une augmentation de la PIC. Enfin seul une application de moins de 5min est associée de manière significative à une augmentation de la PIC.


Discussion et conclusion : 

Cette méta analyse est positive. En effet, l’application d’un collier cervical d’immobilisation chez les patients traumatisés crâniens modérés à sévères est responsable d’une augmentation significative de la PIC de l’ordre de 4 mmHg. Cette étude présente l’intérêt de quantifier l’augmentation de la PIC après l’application du collier cervical, permettant d’ajouter un élément en défaveur de son utilisation. Néanmoins, cette étude présente de sérieuses limites. Il existe un biais de publication évident comme en témoigne la sélection d’articles uniquement anglophones, l’absence d’article cité après 2003, enfin l’absence de funnel plot. Par ailleurs, il n’existe que peu d’information sur la population d’inclusion, notamment, la gravité à la prise en charge (pas de définition du traumatisé crânien modéré, pas de Glasgow, pas de renseignement sur l’état hémodynamique), il n’existe pas non plus d’information sur les traitements médicamenteux mis en place lors de la mesure de la PIC. Enfin les auteurs s’intéressent à un critère de jugement indirect, le chiffre de PIC, derrière laquelle se cache un élément bien plus important, le pronostic neurologique à court et moyen terme.

La situation est paradoxale, car selon les recommandations internationales, les patients comateux sont ceux chez qui les variations de PIC sont les plus délétères sur le pronostic neurologique et ce sont également ceux qui doivent bénéficier du collier de manière formelle jusqu’à la réalisation d’une TDM permettant d’écarter des lésions osseuses. La réalisation d’une étude prospective randomisée comparant l’utilisation ou non d’un collier cervical d’immobilisation chez les patients polytraumatisés crâniens sur le pronostic neurologique à court et moyen terme permettrait de clore le débat de manière définitive. Néanmoins la réalisation d’une étude de cet ordre semble difficile à mettre en place d’un point de vue éthique, malgré l’absence de preuve formelle quant au bénéfice de l’immobilisation rachidienne.

Abstract

BACKGROUND: Spinal cord injury (SCI) is present in around 2-4% of trauma victims. More than half of this injuries are located at the cervical region. Twenty percent of victims with cervical spinal trauma and 5% of patients with severe traumatic brain injury (TBI) will have an SCI. Cervical immobilization with rigid or semirigid collars is routinely used as prophylactic or definitive treatment intervention in general trauma care. An important adverse effect of cervical collars application is the increase in intracranial pressure (ICP) values. This systematic review and meta-analysis aim to estimate the overall magnitude of ICP changes after cervical collar application.

METHODS: Major electronic databases (Ovid/Medline, Embase and Cochrane Library) were systematically searched for prospective studies that assessed ICP changes after cervical collar applications. Study level characteristics and ICP values before, during and after cervical collar application, were extracted. The meta-analysis was performed using random-effects model.

RESULTS: Five studies comprising 86 patients were included in the systematic review and the quantitative synthesis. The overall increase in ICP after collar application was statistically significant (weighted mean difference [WMD] = 4.43; 95%CI 1.70, 7.17; P < 0.01), meaning an overall ICP increase of approximately 4.4 mmHg. The decrease in ICP values after collar removal reached statistical significance (WMD = - 2.99; 95%CI - 5.45, - 0.52; P = 0.02), meaning an overall ICP decrease of approximately 3 mmHg after collar removal. ICP values before and after cervical collar application were not statistically significant (WMD = 0.49; 95%CI - 1.61, 2.59; P = 0.65), meaning no ICP change.

CONCLUSIONS: Heterogeneous studies of application of cervical collars as a partial motion restriction strategy after injuries have demonstrated increases in ICP in TBI patients. Increases in ICP can induce complications in TBI patients. Appropriate selection criteria for cervical motion restriction in TBI patients need to be considered.

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