Commentaire de bibliographies du service

Immediate postpartum neurological deficits in the lower extremity: a prospective observational study.

Richards A, McLaren T, Paech MJ, Nathan EA, Beattie E, McDonnell N

International journal of obstetric anesthesia, avril 2017, volume 31, pages 5-12

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Alice Jacquens (DESAR), Pr Dan Benhamou

Contexte de l’étude : les déficits neurologiques observés en post-partum immédiat sont habituellement des neuropathies d’origine obstétricale. Les deux principales étiologies sont la compression nerveuse par la tête fœtale et la compression dans les étriers. Ces dernières ont virtuellement disparu depuis les modifications ergonomiques des étriers qui ne compriment plus le nerf fibulaire commun (ex sciatique poplité externe). Restent donc les lésions par compression qui sont caractérisées par une atteinte du tronc lombo-sacré (lésion de L5 et/ou de S1, plutôt uni- mais parfois bilatérales), avec symptômes sensitifs et/ou moteurs (le classique postpartum footdrop, avec steppage) d’évolution spontanément favorable dans la très grande majorité des cas. Ces lésions sont secondaires à une compression du tronc lombo-sacré par la tête fœtale et surviennent donc plutôt dans les accouchements longs et difficiles (échec de progression), se terminant par un forceps ou une césarienne, avec un gros bébé. Mais ces accouchements sont aussi accompagnés par la pose d’une analgésie péridurale et celle-ci est souvent accusée d’emblée. Pourtant les études ont bien montré que les lésions causées par la mécanique obstétricale sont 6-10 fois plus fréquentes que celles liées à la péridurale. Leur incidence a été peu étudiée mais serait de l’ordre de 1 %, ce qui en fait une atteinte fréquente mais méconnue des professionnels, notamment lorsque les symptômes sont mineurs. Lorsque l’on ne retrouve ni douleur lors de la pose de la péridurale et que l’imagerie postpartum a éliminé une complication périmédullaire, la cause obstétricale devient encore plus logique. L'objectif principal de cette étude est donc de mieux préciser la connaissance sur ce sujet, en quantifiant et de décrivant les déficits neurologiques des membres inférieurs post-partum immédiats. L’objectif secondaire est d’identifier leurs facteurs de risque de survenue.

Méthodologie : il s’agit d’une étude prospective observationnelle monocentrique réalisée au sein d’une maternité de type 3 entre Mai et Juillet 2016 en Australie. 1147 femmes ont accouché durant cette période. Parmi elles, 1019 ont été surveillées prospectivement grâce à un questionnaire pour détecter les symptômes d'engourdissement ou de faiblesse des membres inférieurs dans les huit à trente deux heures post-partum. Un modèle de régression logistique a été utilisé afin d’identifier les facteurs de risque de survenue.

Résultats : les patientes étaient âgées de 31 ans en moyenne, 43 % d’entre elles étaient nullipares, 4 % présentaient une grossesse multiple, 3 % avaient pour antécédent un diabète gestationnel, 21 % avaient un IMC > 35kg/m2. Une anesthésie loco-régionale a été réalisée chez 74% patientes d’entre elles, 45% ont accouché par voie basse, et 43 % par césarienne.

Trente cinq femmes (3,4%) ont signalé des symptômes neurologiques, 27 ont pu participer à l’étude et 23 (2 %) avaient des signes objectifs d’un déficit neurologique. Toutes présentaient un déficit sensitif ; la moitié d’entre elles avaient également un déficit moteur sans impact sur le plan fonctionnel.

Les lésions les plus fréquentes étaient des plexopathies lombosacrées (n=18, 78%) avec notamment une compression du nerf clunéal (nerf glutéal, branche du tronc lombo-sacré) (n=3, 13%). Un antécédent de maladie neurologique, de lombalgie ou de traumatisme dorso-lombaire augmentaient le risque de survenue de neuropathie périphérique au cours du post-partum immédiat (respectivement OR : 8 et 5), En revanche, aucune association n'a été observée avec la parité, le poids corporel, la durée du travail, le mode d'accouchement ou le bloc neuraxial. Aucun déficit n’a été attribué à une complication de l’anesthésie loco-régionale.

Commentaires et conclusion : les complications neurologiques transitoires après le travail et l'accouchement sont fréquentes (de l’ordre de 3 % ici). Elles se manifestent principalement par des signes sensitifs impliquant notamment les racines nerveuses lombaires et/ou sacrées, et se résolvent généralement dans un court laps de temps. En aucun cas, ces déficits n’ont été associés à l’analgésie périmédullaire. Ces résultats sont donc concordants avec ceux de la littérature. Ainsi, face à une complication neurologique postpartum, l’analyse doit d’abord débuter par la recherche d’une complication curable et grave (IRM ou scanner lombaire) qui est plutôt la conséquence de l’analgésie péridurale. Dans les autres cas, la mécanique obstétricale (compression par la tête fœtale) est beaucoup plus souvent en cause. Dans ce cas, il s’agit le plus souvent de troubles neurologiques sensitifs purs et d’évolution favorable. L’analyse des circonstances permet d’orienter le diagnostic. Les professionnels (sages-femmes, anesthésistes, obstétriciens, neurologues) doivent connaître la fréquence et les caractéristiques des lésions d’origine obstétricale afin de ne pas accuser à tort l’analgésie périmédullaire.

Abstract

BACKGROUND: Neurological deficits noted immediately after childbirth are usually various obstetric neuropathies, but prospective studies are limited. The main study aim was to quantify and describe immediate postpartum neurological deficits of the lower extremity, including the buttocks.

METHODS: A prospective observational study of postpartum women delivering in a single maternity hospital during three months of 2016. Among 1147 eligible women, 1019 were screened for symptoms of lower extremity numbness or weakness within eight to 32hours of delivery. Consent to undergo a detailed neurological evaluation was sought from those reporting symptoms. Risk factors were identified using logistic regression.

RESULTS: Thirty five women (3.4%) reported symptoms, 27 entered the study and 23 (2.0%) had objective signs of a neurological deficit. The most common injuries were mild lumbosacral plexopathies and cluneal nerve compression. Most deficits were sensory, half of these also having a motor deficit that did not impact functionally. Based on analysis of 22 cases involving a likely intrapartum deficit, no association was found with parity, body weight, duration of labour, mode of delivery or neuraxial block. A past history of a neurological condition or a back injury was associated with odds ratios of 7.98 and 4.82 respectively. There were no neurological deficits that were clinically concerning or that were likely a complication of a neuraxial block.

CONCLUSION: Transient neurological complications after labour and delivery are infrequent, mainly sensory involving multiple lumbosacral nerve roots or specific sacral cutaneous nerves, and they typically resolve within a short time.

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