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Vasopressin versus Norepinephrine in Patients with Vasoplegic Shock after Cardiac Surgery: The VANCS Randomized Controlled Trial.

Hajjar LA, Vincent JL, Barbosa Gomes Galas FR, Rhodes A, Landoni G, Osawa EA, Melo RR, Sundin MR, Grande SM, Gaiotto FA, Pomerantzeff PM, Dallan LO, Franco RA, Nakamura RE, Lisboa LA, de Almeida JP, Gerent AM, Souza DH, Gaiane MA, Fukushima JT et al.

Anesthesiology, décembre 2016, volume 126, pages 85-93

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Eve Garrigues (DESAR) et le Pr J. Duranteau

Introduction & Contexte : le choc vasoplégique est fréquemment retrouvé après chirurgie cardiaque. Il impacte négativement le devenir des patients (risque accru de défaillance d’organe, allongement de la durée d’hospitalisation et augmentation de la mortalité). Le traitement standard du choc vasoplégique repose sur l’administration de noradrénaline. Ce traitement n’est pas dénué d’effets secondaires tels que l’ischémie myocardique ou l’arythmie cardiaque. La vasopressine est une hormone de stress essentielle produite par l’organisme dans un contexte d’hypotension. Avec ses effets cardio et néphro-protecteurs, elle pourrait être une alternative séduisante à la noradrénaline dans le traitement du choc vasoplégique. Plusieurs études suggèrent l’efficacité de la vasopressine sur la pression artérielle sans augmentation des effets secondaires chez les patients en choc vasoplégique après chirurgie cardiaque. Cependant, aucune étude n’a comparé directement le vasopressine et la noradrénaline dans ce contexte.

Objectif : démontrer que l’incidence des complications post-opératoires est plus faible après administration de vasopressine dans le traitement du choc vasoplégique secondaire à la chirurgie cardiaque comparé à l’administration de noradrénaline. Les objectifs secondaires étaient de montrer des différences entre les deux groupes, notamment en terme de survenue d’infection à 30 jours, de choc septique, d’arythmies cardiaques, de durée de ventilation mécanique, de changements dans les variables hémodynamiques, de survenue d’ischémies digitale et mésentérique, de durée d’hospitalisation.

Méthodologie : essai clinique comparatif, prospectif, randomisé, en double aveugle, monocentrique (Heart Institute, Faculty of Medicine, University of Sao Paulo, Brazil), conduit entre Janvier 2012 et Mars 2014. Les patients éligibles étaient des adultes programmés pour pontage(s) aorto-coronarien(s), remplacement valvulaire ou chirurgie de réparation, sous circulation extra-corporelle (CEC). Ils étaient inclus dans l’étude s’ils présentaient un choc vasoplégique exigeant des vasopresseurs dans les 48h après le sevrage de la CEC. Ils étaient randomisés pour recevoir de la vasopressine (0.01 à 0.06 U/min) ou de la noradrénaline (10 à 60 μg/min) afin de maintenir une pression artérielle. Le critère de jugement principal était un critère composite : survenue du décès ou complication sévère (AVC, durée de ventilation mécanique supérieure à 48h, médiastinite, reprise chirurgicale, ou insuffisance rénale aiguë) dans les 30 jours.

Résultats Il existe une différence significative concernant la mortalité et la survenue d’une complication sévère en faveur du groupe vasopressine (32%) par rapport au groupe noradrénaline (49%) avec un hazard ratio à 0.55 (p = 0.0014). Les auteurs montrent également une différence significative concernant la survenue de fibrillation auriculaire (63.8% dans le groupe vasopressine vs 82.1% dans le groupe noradrénaline, p=0.0004). Il n’est pas retrouvé de différence entre les groupes sur le taux d’ischémies digitale et mésentérique, d’hyponatrémie et d’ischémie myocardique.

Discussion et conclusion : il a été retrouvé un bénéfice dans l’utilisation de la vasopressine par rapport à la noradrénaline dans le traitement du choc vasoplégique après chirurgie cardiaque programmée. Les auteurs suggèrent que la vasopressine, dans ce contexte, peut être utilisée en première intention et permet de diminuer l’incidence de la mortalité et de complications sévères (AVC, durée de ventilation mécanique, médiastinite, reprise chirurgicale, insuffisance rénale aiguë).

Ces résultats doivent cependant être nuancés car l’étude présente des biais tels que la modification du critère de jugement principal après le début de l’inclusion. De plus la proportion de facteurs pouvant expliquer l’insuffisance rénale aiguë post-opératoire pourrait être statistiquement significative entre les groupes (proportion de patients avec insuffisance rénale chronique et prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion plus importante dans le groupe noradrénaline par rapport au groupe vasopressine). Or la survenue du critère de jugement principal, composite, est fortement susceptible d’être impactée en prenant en compte l’insuffisance rénale aiguë post-opératoire (qui représente 54% des évènements du critère composite). Enfin, l’analyse en intention de traiter, qui est appliquée dans  cette étude, peut conduire à un biais d’attrition.

Abstract

BACKGROUND: Vasoplegic syndrome is a common complication after cardiac surgery and impacts negatively on patient outcomes. The objective of this study was to evaluate whether vasopressin is superior to norepinephrine in reducing postoperative complications in patients with vasoplegic syndrome.

METHODS: This prospective, randomized, double-blind trial was conducted at the Heart Institute, University of Sao Paulo, Sao Paulo, Brazil, between January 2012 and March 2014. Patients with vasoplegic shock (defined as mean arterial pressure less than 65 mmHg resistant to fluid challenge and cardiac index greater than 2.2 l · min · m) after cardiac surgery were randomized to receive vasopressin (0.01 to 0.06 U/min) or norepinephrine (10 to 60 μg/min) to maintain arterial pressure. The primary endpoint was a composite of mortality or severe complications (stroke, requirement for mechanical ventilation for longer than 48 h, deep sternal wound infection, reoperation, or acute renal failure) within 30 days.

RESULTS: A total of 330 patients were randomized, and 300 were infused with one of the study drugs (vasopressin, 149; norepinephrine, 151). The primary outcome occurred in 32% of the vasopressin patients and in 49% of the norepinephrine patients (unadjusted hazard ratio, 0.55; 95% CI, 0.38 to 0.80; P = 0.0014). Regarding adverse events, the authors found a lower occurrence of atrial fibrillation in the vasopressin group (63.8% vs. 82.1%; P = 0.0004) and no difference between groups in the rates of digital ischemia, mesenteric ischemia, hyponatremia, and myocardial infarction.

CONCLUSIONS: The authors' results suggest that vasopressin can be used as a first-line vasopressor agent in postcardiac surgery vasoplegic shock and improves clinical outcomes.

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