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Preoperative physiotherapy for the prevention of respiratory complications after upper abdominal surgery: pragmatic, double blinded, multicentre randomised controlled trial.

Boden I, Skinner EH, Browning L, Reeve J, Anderson L, Hill C, Robertson IK, Story D, Denehy L

BMJ (Clinical research ed.), 24 janvier 2018, volume 360, pages 5916

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Dr Soline CHARREAU (DESAR) et le Pr Dan BENHAMOU

Contexte de l’étude :

L’incidence des complications pulmonaires postopératoires (PPC) est élevée (10-50%) après chirurgie abdominale majeure et leur survenue augmente la morbi-mortablité ainsi que les coûts. L’emploi de la kinésithérapie respiratoire pour lutter contre les conséquences physiologiques de la chirurgie abdominale est connu depuis de nombreuses années mais ses effets restent controversés et probablement dépendants des conditions dans lesquelles cette kinésithérapie est réalisée et selon le terrain des patients. Le tableau ci-dessus résume les données connues sur le sujet.

Le délai d’instauration de la kinésithérapie respiratoire en postopératoire pourrait être un élément important sur la survenue de ces complications et expliquerait peut-être pourquoi la littérature n’est pas convaincante quant à l’emploi de la kinésithérapie dans la population habituelle (patients à risque faible ou modéré). En effet dans la pratique quotidienne, le début de la kinésithérapie respiratoire débute souvent le lendemain de l’intervention, soit tardivement par rapport à la survenue des modifications de la fonction respiratoire induites par la chirurgie. Une stratégie qui permettrait de débuter plus tôt pourrait donc être bénéfique. Eduquer les patients en préopératoire pour qu’ils puissent débuter seuls les exercices respiratoires dès le retour dans leur chambre (donc le jour même de l’intervention) pourrait permettre d’être plus efficace. Deux études préalables suggèrent que ce soit le cas mais ces études antérieures étaient à risque élevé de biais. Ainsi, l’hypothèse formulée est la suivante : l’éducation préopératoire des exercices respiratoires à pratiquer en post-opératoire précoce après une chirurgie abdominale réduirait-elle l’incidence des PPC ?

Méthodes

Cet essai était multicentrique (Nouvelle Zélande et Australie), randomisée (1:1), contrôlée. Tous les patients avait une consultation préopératoire avec un kinésithérapeute : les patients du groupe contrôle recevaient uniquement une plaquette explicative sur les PPC et comment les éviter, alors que le groupe « intervention » avait en plus une consultation spécifique de 30 min avec des informations supplémentaires sur les PPC, une mise en pratique des exercices de kinésithérapie respiratoire à pratiquer en postopératoire immédiat et des aides mémoires pour s’en souvenir lors de l’hospitalisation. Les exercices respiratoires consistaient en des séries de dix inspirations-expirations profondes suivies de 3 efforts de toux, à répéter toutes les heures. L’étude était réalisée en double aveugle (soignants et patients). Les kinésithérapeutes étaient de tous niveaux (novices ou expérimentés). En postopératoire, tous les patients bénéficiaient du même programme de kinésithérapie, sans aide par un kinésithérapeute pour pratiquer la rééducation respiratoire.

Le critère de jugement principal était la survenue de PPC dans les 14 premiers jours postopératoires. Les critères de jugement secondaires étaient la survenue de pneumonie, la durée d’hospitalisation, le délai avant la déambulation, la survenue de complications à 6 semaines ou le décès dans les 12 mois suivants.

Résultats :

432 patients ont été inclus dans l’étude : 214 dans le groupe contrôle, et 218 dans le groupe intervention. Les populations n’étaient pas tout à fait comparables : il y avait moins de patients ASA 3-4 (31 versus 42 %), et moins de patients avec une comorbidité respiratoire dans le groupe intervention (19 versus 26 %). La chirurgie la plus fréquente était la chirurgie colorectale (50 % des cas) et environ 30 % des patients recevaient une analgésie péridurale postopératoire.

Une complication respiratoire postopératoire a été observée chez 27% des patients du groupe contrôle contre 12% des patients du groupe « intervention ». Cette différence était significative avec une réduction du risque absolu de 15% et un nombre de sujets à traiter égal à 7 (NB : sept sujets devraient être traités par éducation préopératoire et kinésithérapie postopératoire pour éviter la survenue d’une complication respiratoire postopératoire).

Le taux de pneumonie était aussi plus fréquent dans le groupe contrôle (20 versus 8 %). Aucune différence n’était retrouvée sur la durée de séjour, le taux de complications à 6 semaines ou la mortalité à 1 an. En analyse exploratoire, la réponse était meilleure pour la chirurgie colorectale ou si le kinésithérapeute était expérimenté.

Discussion et commentaires :

Les éléments qui pourraient expliquer le bénéfice sur la survenue de PPC de cette consultation préopératoire plus poussée sont les suivants : le fait que les patients se sentent plus concernés par leur prise en charge, le délai très court avant la pratique des premiers exercices respiratoires, et ainsi l’augmentation du nombres de séances ; alors que les patients du groupe contrôle commençaient plus tardivement les exercices, et étaient moins attentifs aux consignes du fait d’autres paramètres tels que la douleur, les nausées, l’anxiété etc.

Cette étude présente plusieurs avantages. Tout d’abord, c’est le premier essai randomisé contrôlé qui étudie les effets d’une consultation avec éducation thérapeutique préopératoire sur la survenue des complications pulmonaires. Cet essai était pragmatique puisque la kinésithérapie postopératoire était prescrite de la même façon pour tous les patients, les kinésithérapeutes étaient d’ancienneté variable, les patients étaient hétérogènes. De plus, le critère de jugement principal était objectif, et il y a eu très peu de perdus de vue (2%). Enfin, l’analyse en intention de traiter permet également de renforcer les résultats de l’étude.

On peut cependant s’interroger sur certains éléments. Tout d’abord, les groupes n’étaient pas homogènes malgré la randomisation comme cité plus haut (gravité moindre des patients dans le groupe « intervention »). De plus, la plupart des patients ont en fait été inclus dans un seul centre Australien, ce qui fait discuter la possibilité de généraliser ces résultats. Quelques déviations au protocole sont signalées par les auteurs dont il est difficile de savoir si cela a eu un effet sur le résultat : certains patients ont ainsi reçu l’aide d’un spiromètre, d’autres ont eu un « coaching » plus intensif par les kinésithérapeutes, et d’autres ont eu 2 séances de préparation respiratoire en préopératoire. Le bénéfice important (réduction de 50 % du taux de complications respiratoires) apporté par une seule séance d’éducation préopératoire peut aussi faire douter du résultat et nécessite confirmation. Enfin, le fait que cette séance d’éducation ne modifie pas ni la durée d’hospitalisation, ni les complications à 6 semaines, ni la mortalité à 1 an fait poser la question du réel bénéfice à long terme de cette pratique.

Abstract

OBJECTIVE: To assess the efficacy of a single preoperative physiotherapy session to reduce postoperative pulmonary complications (PPCs) after upper abdominal surgery.

DESIGN: Prospective, pragmatic, multicentre, patient and assessor blinded, parallel group, randomised placebo controlled superiority trial.

SETTING: Multidisciplinary preadmission clinics at three tertiary public hospitals in Australia and New Zealand.

PARTICIPANTS: 441 adults aged 18 years or older who were within six weeks of elective major open upper abdominal surgery were randomly assigned through concealed allocation to receive either an information booklet (n=219; control) or preoperative physiotherapy (n=222; intervention) and followed for 12 months. 432 completed the trial.

INTERVENTIONS: Preoperatively, participants received an information booklet (control) or an additional 30 minute physiotherapy education and breathing exercise training session (intervention). Education focused on PPCs and their prevention through early ambulation and self directed breathing exercises to be initiated immediately on regaining consciousness after surgery. Postoperatively, all participants received standardised early ambulation, and no additional respiratory physiotherapy was provided.

MAIN OUTCOME MEASURES: The primary outcome was a PPC within 14 postoperative hospital days assessed daily using the Melbourne group score. Secondary outcomes were hospital acquired pneumonia, length of hospital stay, utilisation of intensive care unit services, and hospital costs. Patient reported health related quality of life, physical function, and post-discharge complications were measured at six weeks, and all cause mortality was measured to 12 months.

RESULTS: The incidence of PPCs within 14 postoperative hospital days, including hospital acquired pneumonia, was halved (adjusted hazard ratio 0.48, 95% confidence interval 0.30 to 0.75, P=0.001) in the intervention group compared with the control group, with an absolute risk reduction of 15% (95% confidence interval 7% to 22%) and a number needed to treat of 7 (95% confidence interval 5 to 14). No significant differences in other secondary outcomes were detected.

CONCLUSION: In a general population of patients listed for elective upper abdominal surgery, a 30 minute preoperative physiotherapy session provided within existing hospital multidisciplinary preadmission clinics halves the incidence of PPCs and specifically hospital acquired pneumonia. Further research is required to investigate benefits to mortality and length of stay.

TRIAL REGISTRATION: Australian New Zealand Clinical Trials Registry ANZCTR 12613000664741.

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