Cas clinique

Prise en charge d'une colite à Clostridium difficile

30 juillet 2018

Exposé du cas clinique

Il s’agit d’une patiente de 72 ans ayant des antécédents de dyslipidémie, d’appendicetomie, et de néphrectomie droite pour un carcinome à cellules claires en 2015. Elle est prise en charge au bloc opératoire pour une duodénopancréatectomie céphalique dans le cadre du traitement d’un ampullome vatérien. Il est réalisé au cours du geste une anastomose bilio-digestive, pancréatico-gastrique et gastro-jéjunale.

La prise en charge anesthésique associe la pose d’une anesthésie péridurale thoracique, la pose de KTA et KTC, une induction par Sufentanil®, Propofol®, Esméron® avec un entretien par Desflurane®. Antibioprophylaxie selon le protocole local par céfoxitine 2 g avec ré-injection de 1 g toutes les 2 h en per-opératoire.

Les suites post-opératoires immédiates sont essentiellement marquées par une détresse respiratoire d’origine multifactorielle (surcharge hydrosodée et atélectasies bibasales), qui va s’amender en quelques jours. Apparition à J6 d’un syndrome inflammatoire biologique associé à une fièvre à 39°C. Le TDM abdomino-pelvien montre une collection au niveau de l’anatomose pancréatico-gastrique, qui va être drainé sous scanner. Le liquide poussera en culture à Enterococcus fæcalis, Streptococcus anginosus, Klebsiella oxytoca et Enterobacter cloacæ. Introduction d’un traitement par pipéracilline + tazobactam pour une durée de 7 j. 

Nouvelle dégradation à J12 (J6 de l’antibiothérapie curative pour la collection intra-abdominale) avec diarrhée glaireuse profuse et choc septique. Un scanner abdomino-pelvien met en évidence une pancolite avec un oedème sous-muqueux de l'ensemble du cadre colique, spontanément hyperdense avec prise de contraste intense au temps artériel et portal et infiltration de la graisse péri-colique.

Le diagnostic de colite à Clostridium difficile est rapidement fait avec la détection des toxines A et B sur le prélèvement de selles.

Introduction d’un traitement par métronidazole 500 mg x 3/j avec une efficacité limitée sur le nombre de selles ; finalement décision de pratiquer une iléostomie pour instillation de vancomycine (250 mg x 3/j dans l’iléostomie). L’état du patient s’améliore alors rapidement avec résolution de la colite et guérison. Le rétablissement de continuité est effectué 3 mois plus tard sans problème particulier.

Discussion et commentaires

Généralités

Clostridium difficile est un bacille gram positif anaérobie strict, connu et isolé depuis 1935 et dénomé ainsi du fait des difficultés à le cultiver. C’est un germe faisant partie du microbiote intestinal de l’homme et de l’animal, qui est connu depuis la fin des années 70 pour donner des colites pseudomembraneuses, touchant essentiellement le sigmoïde et le rectum. Les facteurs de virulence sont liés à deux exotoxines : l’entérotoxine A et la cytotoxine B responsables de lésions de l’épithélium et de la muqueuse intestinale [1].

L’infection à C. difficile est la cause la plus fréquente de diarrhée associée aux antibiotiques, et peut évoluer sur le mode épidémique dans une structure de soins. La transmission est manuportée, favorisée par la persistance de spores dans l’environnement résistantes à la plupart des antiseptiques.

Les facteurs de risques de développer une colite à C. difficile sont un âge supérieur à 65 ans, l’utilisation de laxatifs, d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), d’anti-histaminiques, une chimiothérapie, une chirurgie gastro-intestinale, et bien sûr l’utilisation d’antibiotiques. Historiquement la clindamycine et les céphalosporines étaient les antibiotiques les plus à risque, mais on a décrit des colites à C. difficile après n’importe quelle classe d’antibiotique, après une dose unique d’antibioprophylaxie ou même après utilisation de métronidazole ou de vancomycine.

Le risque de récurrence est très élevé : 30% des patients vont récidiver après un premier épisode de colite, avec un risque accru de seconde voire troisième récurrence [2].

Diagnostic de colite à C. difficile [1]

Le prélèvement de selles ne doit se faire qu’en cas de clinique évocatrice (plus de 3 selles par jour). Il existe en effet des porteurs sains qui ne développent pas d’infection mais qui peuvent être à l’origine de transmission du germe. L’examen biologique de référence est un test de cytotoxicité cellulaire en présence d’un ultrafiltrat de selles, mais il est techniquement difficile et demande 24 à 48 h pour avoir un diagnostic. On utilise plutôt 2 tests ELISA : 

  • dépistage du germe C. difficile en détectant la présence d’un antigène (glutamate déshydrogénase, GDH), mais qui ne permet pas de faire la différence entre colonisation et infection.
  • dépistage des toxines A et B : la sensibilité et spécificité du test est rapportée de manière variable mais peut monter jusqu’à 91% pour la sensibilité. Il est inutile de répéter la recherche de toxine si le premier prélèvement est négatif.

Le choix du traitement dépend de la gravité de l’infection [1, 3]

Plus la forme de la colite est grave, et moins le traitement par métronidazole sera efficace par rapport à la vancomycine. Le métronidazole reste préconisé en première intention dans le traitement des colites non compliquées, du fait du risque de sélection d’entérocoque résistant à la vancomycine. En cas d’iléus ou de mégacolon, il est recommandé d’utiliser le métronidazole IV, associé à la vancomycine en lavement rectal ou par une stomie, même si ce schéma thérapeutique n’a pas été validé par des études de bonne qualité.

La fidaxomicine est un agent actif sur C. difficile qui inhibe la synthèse de l’ARN bactérien. Il n’est pas réabsorbé, se retrouve à des concentrations importantes dans les selles et entraîne peu de perturbation du microbiote de l’hôte. Deux études de non infériorité [4, 5] ont été publiées avec une diminution du nombre de récurrence. Néanmoins son coût en limite l’indication aux formes récidivantes.

La transplantation de microbiote fécal restaure la diversité du microbiote intestinal en instillant des selles de donneur dans le système digestif du patient [3]. L’administration se fait à partir de capsule PO, ou via une sonde gastrique, par lavement ou par endoscopie digestive. Il y a de plus en plus de données mettant en évidence l’intérêt et l’efficacité de ce traitement qui semble supérieur au traitement antibiotique [1]. Plusieurs essais de phase III sont en cours et il reste à formaliser et standardiser les formes galéniques et les moyens d’administration. Il s’est créé en France un Groupe d’études de la transplantation de microbiote fécal [6].

Dans tous les cas, il est recommandé d’arrêter autant que possible l’antibiothérapie systémique et les IPP

Précautions d’hygiène

Ce sont des précautions « contacts » renforcées : isolement du patient, signalisation, protection par tablier et gants, lavage des mains au savon doux puis au soluté hydro-alcoolique en sortant de la chambre, nettoyage des surfaces avec un produit spécifique.

Bibliographie

[1] Bagdasarian N, Rao K, Malani PN. Diagnosis and treatment of Clostridium difficile in adults: a systematic review. JAMA. 2015 Jan 27;313(4):398-408.

[2] Evans CT, Safdar N. Current trends in the epidemiology and outcomes of Clostridium difficile infection, Clin. Infect. Dis. 60 (2015) S66-S71.

[3] Messias BA, Franchi BF, Pontes PH et al. Fecal microbiota transplantation in the treatment of Clostridium difficile infection: state of the art and literature review. Rev Col Bras Cir. 2018;45(2):e1609

[4] Louie TJ, Miller MA, Mullane KM, et al. Fidaxomicin versus vancomycin for Clostridium difficile infection. N Engl J Med 2011; 364:422 – 431

[5] Cornely OA, Crook DW, Esposito R, et al. Fidaxomicin versus vancomycin for infection with Clostridium difficile in Europe, Canada, and the USA: a double-blind, noninferiority, randomised controlled trial. Lancet Infect Dis 2012;12:281-289

[6] Groupe d’études de la transplantation de microbiote fécal