Commentaire de bibliographies du service

Faibles doses d'Arginine Vasopressine et besoins transfusionnels chez les patients en choc hémorragique d'origine traumatique

Effect of Low-Dose Supplementation of Arginine Vasopressin on Need for Blood Product Transfusions in Patients With Trauma and Hemorrhagic Shock: A Randomized Clinical Trial.

Sims CA, Holena D, Kim P, Pascual J, Smith B, Martin N, Seamon M, Shiroff A, Raza S, Kaplan L, Grill E, Zimmerman N, Mason C, Abella B, Reilly P

JAMA surgery, 28 août 2019

Commentaire, Abstract

Commentaire

Par Dr L. Ren DESAR, Dr A. Harrois

Introduction :

Le choc hémorragique traumatique s’accompagne d’une vasoplégie à la fois liée à l’inflammation, la sédation mais également à un déficit neuroendocrine qui prédomine sur la sécrétion d’arginine vasopressine (AVP). En effet, après une sécrétion initiale accrue à la phase initiale du traumatisme, des concentrations anormalement basses sont observées chez les patients traumatisés en choc hémorragique.

En raison des ses effets vasoconstricteurs et pro-coagulants, l’administration  d’AVP pourrait diminuer les besoins transfusionnels au cours du choc hémorragique traumatique. La littérature sur l’administration d’AVP exogène dans les chocs hémorragiques traumatiques est limitée à une étude prospective de faible puissance (78 patients).

Les auteurs formulent l’hypothèse que de faibles doses d’AVP, dites physiologiques, peuvent diminuer le besoin transfusionnel au cours du choc hémorragiques traumatiques.

Matériels et méthodes : Etude randomisée, contrôlée, en double aveugle, mono-centrique (Trauma center de niveau 1 aux États-Unis), réalisée entre le 1er mai 2013 et le 31 mai 2017. Les patients âgés de 18 à 65 ans, avec une PAS ≤ 90 mmHg à l’admission, ayant reçu au moins 6 unités de produits sanguins labiles dans les 12 heures suivant le traumatisme reçoivent un bolus initial de 4 U d’AVP ou l’équivalent en Nacl 0,9%, suivi d’une perfusion continue de 0,04 U/min, pendant 48h. Un autre vasopresseur pouvait être adjoint pour atteindre le niveau de PAM de 65 mmHg si l’AVP (ou placebo) était insuffisant. Le critère de jugement principal est la quantité de produits sanguins labiles (concentré érythrocytaire, plasma frais congelé et plaquettes) transfusée au cours des premières 48h après l’inclusion. 

Les patients secondairement  transférés, ayant fait un arrêt cardio-circulatoire pré-hospitalier ou nécessitant une thoracotomie d’hémostase au déchocage ou une neurochirurgie initiale n’étaient pas inclus dans l’étude. 

Résultats :

Sur les 3736 admissions sur la période d’inclusion, 257 patients se sont présentés avec une PAS ≤ 90 mmHg à l’admission et ont nécessité d’une transfusion. 100 patients ont été inclus dont 49 ont été randomisés dans le groupe vasopressine (AVP) et 51 dans le groupe placebo. 

79 % des patients avaient un traumatisme pénétrant. Les caractéristiques entre les deux groupes sont comparables. L’analyse en intention de traiter (ITT) retrouve une diminution significative du volume de produit sanguin labile transfusé dans le groupe AVP par rapport au groupe placebo (1,7 (0,7-3,1) L versus 3,0 (1,4-5,2) L respectivement, p=0,03). Le volume de soluté cristalloide administré ne différait pas entre les deux groupes (9,6 (6,3-13) L versus 10 (8,6-15) L, p=0,31). La proportion de SDRA, d’insuffisance rénale aigue et la mortalité n’étaient pas différentes entre les groupes. L’incidence des thromboses veineuses profondes était significativement plus élevée dans le groupe placebo que le groupe AVP (20 (39%) versus 10 (20%), p=0,05).

Conclusion/discussion : 

Cette étude montre que l’administration d’AVP diminue les besoins transfusionnels chez les patients traumatisés en choc hémorragique. L’administration de catécholamines était autorisée en dehors de l’AVP (noradrénaline, néosinéphrine, adrénaline), ce qui suggère que l’AVP a un mode d’action complémentaire des catécholamines usuelles chez les patient en choc hémorragique traumatique. Les limites de l’étude sont son caractère mono-centrique et le mécanisme lésionnel qui est majoritairement pénétrant ce qui limite l’applicabilité des résultats. Il est à noter que seulement 40% des patients ont reçu de l’acide tranexamique. La puissance de l’étude est insuffisante pour conclure sur les complications traumatiques, notamment l’incidence des thromboses veineuses profondes, et le devenir à long terme. Ainsi, des études de plus grand effectif sont nécessaires.

Abstract

Importance: Current therapies for traumatic blood loss focus on hemorrhage control and blood volume replacement. Severe hemorrhagic shock, however, is associated with a state of arginine vasopressin (AVP) deficiency, and supplementation of this hormone may decrease the need for blood products in resuscitation.

Objective: To determine whether low-dose supplementation of AVP in patients with trauma (hereinafter referred to as trauma patients) and with hemorrhagic shock decreases their need for transfused blood products during resuscitation.

Design, Setting, and Participants: This randomized, double-blind placebo-controlled clinical trial included adult trauma patients (aged 18-65 years) who received at least 6 U of any blood product within 12 hours of injury at a single urban level 1 trauma center from May 1, 2013, through May 31, 2017. Exclusion criteria consisted of prehospital cardiopulmonary resuscitation, emergency department thoracotomy, corticosteroid use, chronic renal insufficiency, coronary artery disease, traumatic brain injury requiring any neurosurgical intervention, pregnancy, prisoner status, or AVP administration before enrollment. Data were analyzed from May 1, 2013, through May 31, 2017, using intention to treat and per protocol.

Interventions: After administration of an AVP bolus (4 U) or placebo, participants received AVP (≤0.04 U/min) or placebo for 48 hours to maintain a mean arterial blood pressure of at least 65 mm Hg.

Main Outcomes: The primary outcome was total volume of blood product transfused. Secondary end points included total volume of crystalloid transfused, vasopressor requirements, secondary complications, and 30-day mortality.

Results: One hundred patients underwent randomization (49 to the AVP group and 51 to the placebo group). Patients were primarily young (median age, 27 years [interquartile range {IQR}, 22-25 years]) and male (n = 93) with penetrating trauma (n = 79). Cohort characteristics before randomization were well balanced. At 48 hours, patients who received AVP required significantly less blood products (median, 1.4 [IQR, 0.5-2.6] vs 2.9 [IQR, 1.1-4.8] L; P = .01) but did not differ in requirements for crystalloids (median, 9.9 [IQR, 7.9-13.0] vs 11.0 [8.9-15.0] L; P = .22) or vasopressors (median, 400 [IQR, 0-5900] vs 1400 [IQR, 200-7600] equivalent units; P = .22). Although the groups had similar rates of mortality (6 of 49 [12%] vs 6 of 51 [12%]; P = .94) and total complications (24 of 44 [55%] vs 30 of 47 [64%]; P = .37), the AVP group had less deep venous thrombosis (5 of 44 [11%] vs 16 of 47 [34%]; P = .02).

Conclusions and Relevance: Low-dose AVP during the resuscitation of trauma patients in hemorrhagic shock decreases blood product requirements. Additional research is necessary to determine whether including AVP improves morbidity or mortality.

Trial Registration: ClinicalTrials.gov identifier: NCT01611935.

Approfondir

Sur le même thème